TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

ABC | PMG

V comme voix

lundi 1er janvier 2024, par C Jeanney

ABC | PMG
accompagne
Lotus Seven


Be seing you [1], a été traduit par celui qui assurait sa voix française, Jacques Thébault, par « Bonjour chez vous ».
Ça ne colle pas vraiment, mais c’est toujours le cas lorsqu’on passe d’une langue à l’autre.
La version doublée en français du Prisonnier est bien plus claire, plus métallique, plus froide, plus structurée que la version originale, il y manque les intonations inattendues dont PMG était friand, il y manque bien sûr la chair de la vraie voix.
Celle de Jacques Thébault, malgré son travail rigoureux, propre – ou à cause de cette propreté – ne peut donner qu’un effet "articulé", netteté, contrôle, et il n’y peut rien.
Et avec sa traduction française, la zone fertile du Be seing you — Je vous surveillerai — est perdue.
La trouvaille de Jacques Thébault est une forme de pirouette, de ritournelle, qui dépersonnalise les contacts humains, qui clôt la parole, la finit.
Be seing you ne finit pas, il se déplace comme une vapeur dans l’air, ce qui donne un goût supplémentaire d’inquiétude, d’impalpable menace.
Images d’archives, 1964, chez Jacques Thébault : il nous parle avec la voix de PMG, avec la voix de Steeve MCQueen, avec la voix d’Eddy Murphy, de Roy Scheider et Robert Conrad, puis nous le suivons dans son salon où sa femme et ses deux enfants sont assis devant le poste de télévision. Tout est, à l’image de la version française, clair et structuré. Pas de place pour le chaos fertile dont parle Kubrik. Le journaliste s’adressant à la femme de Jacques Thiébault : « Vous n’êtes pas comédienne, vous ? Vous n’avez jamais eu envie de faire du théâtre ou du cinéma ? » Elle : « J’en avais très envie, mon mari n’a jamais voulu. »
Clair, propre, structuré.

sommaire
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[1Be seing you ! est, dans le Village du Prisonnier, la formule de politesse utilisée lorsque deux personnes se disent au revoir. Cette parole s’accompagne d’un signe du bras et de la main :
avec les doigts, faire comme un six, qu’on place autour de son œil.
Puis, en maintenant cette forme de six (ou d’œil), étirer le bras comme une virgule vers l’extérieur.
Ce qui pourrait sembler sympathique est autoritaire.
Je t’ai à l’œil. Je te vois. Je t’observe. Au présent, au futur, rien de ce que tu feras ne m’échappera.
Une paupière jamais fermée.
Sur nous.

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