TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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W comme Welles

lundi 1er janvier 2024, par C Jeanney

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Lotus Seven


« On dit que la logique de cette histoire est celle d’un rêve » dit Welles au début du Procès, son film tourné à partir du roman de Kafka, un film dont il a dit lui-même que c’était sûrement son travail le plus personnel, le plus abouti.
La logique de ce rêve pourrait rejoindre le fil du rêve qui commence à la fin du générique du Prisonnier.

Début du Procès d’Orson Welles [1] :
« Devant la Loi se tient le garde. Un homme vient de loin qui voudrait accéder à la Loi. Mais le garde ne peut le laisser entrer. Peut-il espérer être admis plus tard ? "C’est possible" dit le garde. L’homme tente de voir par le portail. Il pensait que la loi était accessible à tous. "Ne tente pas d’entrer sans ma permission", dit le Garde. "Je suis très puissant, bien que le dernier des Gardes. De salle en salle, de portail en portail, chaque garde est plus puissant que le précédent". L’homme s’assied près du portail. Et là, il attend. Des années, il attend. Il se sépare de tout ce qu’il possède dans l’espoir de soudoyer le garde qui lui répète : "J’accepte, pour que tu aies la certitude d’avoir tout tenté." À force d’épier le Garde des années durant, l’homme connaît jusqu’aux puces de son col de fourrure. Avec l’âge, il retombe en enfance et supplie ces puces t’intercéder pour que le Garde le laisse entrer. Sa vue a baissé, mais il distingue une radieuse lumière filtrant à travers les portes de la Loi. Et maintenant, au seuil de la mort, tout pour lui se résume en une question qu’il n’a jamais posée. Il fait signe au Garde : "Tu es insatiable ! Qu’y a-t’il encore ?" Et l’homme de dire : "Chacun s’efforce d’atteindre la Loi. Comment se fait-il qu’au cours de toutes ces années nul autre ne se soit présenté ici ?" Et le Garde lui rugit dans l’oreille : "nul autre que toi n’aurait été admis. Nul autre n’aurait pu franchir ce portail. Il n’était destiné qu’à toi. Et à présent je vais le fermer."  »

Les trajectoires de Welles et PMG se croisent, et ce qu’ils pensent forme des lignes qui se croisent ou se déplacent en parallèle.
La société, sa pression inhumaine qui rend le citoyen coupable. De quoi ? Pas de réponses, ou bien trop, ou bien elles sont brouillées, contradictoires. Elles rendent amorphes. Elles font baisser les bras, ou s’agiter pour le masquer.
Joseph K / Anthony Perkins dans le film, s’agite, s’agite, à la fois innocent et soumis, participant à son procès parce qu’ayant intégré sa culpabilité, se révoltant, se résignant, jusqu’à la délivrance de la mort qu’il accepte et s’inflige plus ou moins activement.
Ses bourreaux sont des pantins (il leur crie) aussi risibles que les grimaces du mal dans la scène des masques de PMG.
La pression sociale s’exerce en continu sur Joseph K, tout comme la surveillance sur le prisonnier.
Le Village est un endroit clos.
La ville de Joseph K est une suite de pièces et d’espaces qui communiquent tous entre eux par des couloirs labyrinthiques, sa chambre touche son bureau qui touche le tribunal qui longe la friche où il sera exécuté.
Welles et PMG parlent de l’enfermement, souffrent de l’enfermement, vomissent l’enfermement.
Mais ils ne peuvent pas coopérer.
Ils n’utilisent pas les mêmes outils.
Welles est une sorte de prophète.
Sa voix résonne, il aime cela, entendre résonner sa voix, faire entendre, donner à voir et à comprendre en utilisant des techniques originales, inédites jusque là, noir&blanc somptueux, cadrages décalés ou déséquilibrés, travellings hors norme.
PMG serait plutôt une sorte de saboteur.
Utilisant les outils auxquels il a accès (scripts, plateaux de télévision).
Des techniques classiques (le héros bondit sur le méchant, évite les embûches, désamorce les pièges). Mais glissant des grains de sable.

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[1(à lire à voix haute avec la voix d’Orson Welles)

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