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journalier 17 02 19 - le plus gros coeur

dimanche 17 février 2019, par C Jeanney


 entendu hier ce que dit christian salmon, qu’à la suite du storytelling est arrivée (et arrive encore au présent) la culture du clash
 le clash fait vendre, car le clash interpelle, choque, happe, force l’attention (effet trump), et l’économie de l’attention est une affaire fructueuse qui décide de parts de marché, de scores d’audience, de beaux sacs de brouzoufs à empiler
 contre le clash on ne peut rien, il y a une part de soi, humaine, qui aime s’énerver, qui aime regarder ou écouter pour guetter les potentiels dérapages et se dire "je le savais"
 contre une déclaration scandaleuse qui scandalise on ne peut rien, à part clamer "ça non ! c’est intolérable !" dans un élan un peu narcissique qui prouve que "je ne suis pas comme ça et je dénonce, je suis du bon côté"
 c’est pourtant nécessaire de dénoncer, de dire où est le bon côté (pas du côté du harceleur ni du facho, ni du mur, ni de l’oppression ou de la stigmatisation du plus fragile)
 alors quoi opposer au clash
 la parole mesurée, non choquante et non scandaleuse, sera toujours moins audible, moins visible, que la parole choquante, c’est la même chose pour la pensée, la pensée complexe ne scandalise pas (lapalissade) — la pensée simple non plus d’ailleurs, par exemple celle des enfants qui disent simplement le bien et le mal, on ne fera pas le buzz avec la parole d’un enfant qui déclare que c’est mal de se moquer de l’autre ou de l’insulter
 le souci c’est : qu’est-ce qu’on regarde, et qu’est-ce qu’on rend visible en le regardant, et est-ce qu’on peut regarder ailleurs, est-ce que c’est mieux ? toutes les réponses sont fausses, qu’on regarde le mal, qu’on le dénonce, qu’on se voile les yeux, il nous atteint, il décide à notre place, il nous dresse marionnettes
 dans les termes "économie de l’attention" il y a le mot économie
 je lis quelque part "actuellement, on va vers des impasses économiques, sociales ; le chômage, le logement, la prostitution… et si on supprime l’argent, on s’aperçoit que toutes ces impasses sont débloquées." (enfant, vers 8 ans je m’étais dit que l’argent était la cause de toutes les noirceurs, c’était une pensée simple)
 qu’est-ce ce qu’on fait de tout ça
qu’est-ce qu’on fait du clash
 hier toujours, je vois un artiste qui décide de créer des vidéos combatives, dénonciatrices, délivrées et délivrantes, et d’en faire une chaque jour, tant que trump serait président — "j’ai arrêté au bout d’un an" dit-il et il avait l’air fatigué
 dans l’économie de l’attention, on ne peut pas gagner
 c’est aussi ce qui se passe avec la parole des poètes
et encore plus avec celle des poétesses
à l’escalier s’ajoutent toujours des marches (en bas, en haut)
 le slogan publicitaire pour narta est plus fort que tout
 c’est lui qui paye grassement la plage horaire avant l’émission de télé la plus regardée, la plus clashante.
 quand on fait une recherche sur le puma pour savoir s’il est réellement en danger d’extinction, on ne tombe sur rien d’autre que des sites de ventes de chaussures
 c’est un drôle de monde que celui ou narta gagne à tous les coups, bras en l’air et aisselles victorieuses (ça se voit sur l’écran)
 au milieu de tout ce laminage (effet papier de verre) les nouvelles rudes continuent d’arriver, des lanceurs et des lanceuses d’alerte disent les conditions de vie dégradantes, le non accueil qui débouche sur la mort, les glaciers disloqués ; le monde répond narta et lève les bras
 ailleurs des spécialistes s’activent à conserver le plus gros cœur qui existe sur la planète
 c’est déjà pas mal
c’est déjà bien
c’est beau
c’est là aussi, là parmi tout

cœur d’une baleine bleue

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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