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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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journalier 07 05 19 - flèches

mardi 7 mai 2019, par C Jeanney


 peut-être que je ne crois plus aux livres, c’est peut-être pour ça que je ne lis pas en ce moment
 peut-être qu’il y a de la schizophrénie là-dedans / entre la structure éditoriale et commerciale / combien d’entrées ce film ? combien de ventes ce livre ? combien de chiffres soutiennent les mots ou les enterrent ? /
 ce serait plus simple d’avoir un rythme de croisière
écrire → publier
écrire → publier
écrire → publier
mais ce n’est pas comme ça que ça se passe / quand publier ne suit pas logiquement écrire, écrire devient plus grave, ou plus anxieux, ou bien moins grave ou moins anxieux car dénué d’importance ou très logique — peu d’entrées, peu de ventes, peu de capitalisme ? — et qu’est-ce qui compte vraiment à part aimer les siens, ses proches, et faire en sorte qu’ils aillent bien
 alors je polarise sur des détails humains, ou le rythme des plantes
 dans les détails humains, je ne peux pas m’empêcher de penser que les silences des maisons d’édition sont des portes claquées, des marques de pouvoir, d’asservissement, ou encore de mépris / c’est un souci, car ensuite, lorsque je constate qu’une maison d’édition ne me répond pas (même pour me dire "non merci — passez votre chemin — ce texte ne nous intéresse pas") je n’ai plus envie de lire ce qu’elle publie / je ne lis plus en ce moment / c’est un souci car lorsqu’une maison d’édition me répond "non merci non vraiment", je la remercie chaleureusement pour ce que je prends comme une marque d’humanité (jusqu’où ça mène tout ça)
 si, je lis lnb7 un peu et violette leduc un peu, mais à très petites doses
 "on peut se poser des questions" dit la voix de femme à la radio, "ils ne font pas ça par volonté de nuire", "prise de recul prise de recul", "système mortifère" répond la voix d’homme
 alors les plantes, le rythme des plantes qui se moque des silences, elles c’est la pluie ou la terre ou le vent qui les travaillent
 je m’empare de nouvelles gouttières : dans une rue, un de mes tricots est brûlé à la cigarette et défait : je le répare : j’en accroche un deuxième au-dessus : je ne lis plus mais je suis têtue
 j’ai baissé le volume de la radio, j’entends le mot "échec", ça résonne et ça me révolte / ce texte-là, mon texte qui ne débouche sur rien, ne donne rien, restera invisible, souterrain, illisible, mais ce ne sera pas un échec ("échec" aussi c’est du capitalisme, échec, compétition, c’est toujours le bras qui porte la plus grosse massue ou le plus lourd bracelet comme objectif)
"Cette grande promenade.
Sans fatigue. À refaire sans cesse. Prodigieuse servilité envers un paysage. À la merci du vert. Sorcellerie
."
(Hélène Bessette, La Grande Balade)
 si ce texte-là, mon texte, était retenu, publié et lu, est-ce que ça changerait quelque chose ? peut-être en surface, puisque le rythme écrire → publier serait respecté, et ce serait rassurant, encourageant / mais le sens des choses, lui, reste inchangé, il suit toujours les mêmes flèches qui vont dans tous les sens

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • moi je t’admire
    j’en suis à la plante qui subit, tient encore bon, ne crée ou regarde guère plus rien...
    si il me reste des rages fugitives
    et l’envie forte que tout ce que tu es se remette en marche exigeante mais heureuse d’être

  • continue !!! (mais lis de temps à autre quand même) (continue !) (je m’encourage en même temps comme tu sais - ce n’est pas (que) pour les autres qu’on écrit - avancer continuer et ne pas se satisfaire de ces silences idiots - les maisons d’éditions sont de malheureuses entités penchées comme des bêtes sur les chiffres, des comptables et des affaires de coups et de coûts - le prochain de barak obama ou de sa femme - continue jte dis !!!)

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