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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Kathie Durand, dans Lichens (#vaseco d’avril 2010)

lundi 5 avril 2010, par C Jeanney

Lichens

« Les lichens peuvent surmonter (des) conditions de vie extrêmes car ils peuvent très rapidement passer à un mode de vie ralentie (...) »

in Guide des fougères mousses et lichens d’Europe / Dr Hans Martin Jahns .- Delachaux et Niestlé, (les guides du naturaliste), 1996

Il est tout à fait possible d’ignorer le cimetière. Même à venir tous les dimanches au village. La route qui conduit où demeurent les morts est à l’écart de l’axe principal, après la fourche au grand chêne, à gauche, au bout d’une impasse dans laquelle on ne s’aventure pas sans une douloureuse détermination.

Tu m’attendras n’est-ce pas, je n’y suis jamais allée, je ne connais pas le chemin.

La porte du cimetière est lourde et très large. Deux longues barres horizontales et de courts barreaux verticaux. Il suffit de l’entrebâiller pour entrer. L’espace est vaste. Clôturé de murs – formés de plaques – du béton brut marqué déjà des coulures rouges des intempéries.

On n’imagine pas, lorsqu’on perd son parent son enfant son aimant, le rythme nouveau des jours et des nuits qui se joue ici.

Tout d’abord il faut traverser un grand espace sablonneux. Pour accéder aux allées. Concessions de Terrains dans le Cimetière Communal. Accordées moyennant une somme totale variant selon les mètres superficiels et le nombre d’années.

Il y avait eu ce jour là un profond sommeil apaisé, des mots poignants dans un éclair brumeux, puis le noir la grêle l’acier du soleil sur la route à continuer.

Les caveaux sont alignés dans les allées sablonneuses. Débauche de fleurs, bimbeloteries, inscriptions gravées, visages souriants des défunts. Plus loin le terrain est tout en herbe. Au-delà des murs de béton tout alentour des prairies. Et plus loin les habitations, la vie les rires la peine qui bruissent.

Est-ce qu’à l’arrivée des beaux jours la nature s’éveille aussi ? Ou bien ne renaissent ici que les larmes et les tourments ?

Le cimetière ancien est enclos de murs en pierres sèches. Il offre quelques somptuosités funéraires, concessions perpétuelles ornées de mousses et de lichens, lits de sable où surnagent cœurs en fer blanc, plaques indéchiffrables et croix rouillées, les regrets, souvenirs abandonnés.

Surtout que tout soit naturel, les fleurs les sentiments les larmes qui viennent surtout lorsque l’on dit tu vois je pleure même pas. Fixer le jour et l’heure de l’enterrement, parler de lui, parler d’elle, aller les voir une dernière fois, organiser les retrouvailles. Affronter seuls l’interminable. Pour la pierre tombale, on verra plus tard.

Kathie Durand

qui prend ma place comme je prends la sienneaujourd’hui.

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