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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Sylvain Esposito dans Trois petits M en filigrane (#vaseco de février 2012)

lundi 6 février 2012, par C Jeanney

Ce jour, échange avec Sylvain Esposito ou @CanisLupusBzh qui écrit dans Hurler à la lune, et c’est le titre de son dernier billet, Post-it, que nous avons partagé. C’est réellement un partage, car nous avons tourné autour tous les deux. Encore une fois, un vase communicant unique. Merci Sylvain.

Trois petits M en filigrane

Il avait suivi la piste. D’abord intrigué, curieux. Puis tour à tour inquiet, amusé et ému. Il suivait les cailloux verts et jaunes qu’elle avait semés derrière elle (devant ?). La suivre ou la précéder ? Etrange tout de même ces quelques mots éparpillés, qui relancent la machine à écrire, à dire, à sentir. Fascinant le contraste, entre la rectitude implacable de ces petits carrés et leur alignement erratique. Entre leur uniformité et la variété des pensées, des sentiments, couchés dessus.

Cela avait commencé comme un jeu, remarques légères et intimes à la fois, et puis...

Et puis les petits cailloux verts étaient devenus moins rieurs, jusqu’à finir par le toucher, tout au fond. Là où il se croyait caché. Qui était-elle (il savait que c’était une "elle", l’écriture ne trompait pas) ? Et comment pouvait-elle le connaitre aussi bien ? Et, surtout, comment avait-elle pu venir déposer ces petits bouts de papier chez lui sans qu’il s’en aperçoive ?

Il lui fallait faire quelque chose, tout de suite, il le sentait bien, le savait. Mais il ignorait quoi. Et restait interdit devant ces injonctions (ou ces aveux ?). Observer... Bien sur, mais observer quoi ? Ou bien l’observait-elle ? Oui, c’était surement ça. Forcément ça. Elle l’observait (mais depuis quand ?), voulait comprendre (mais quoi ?). Et lui, entouré, cerné, par ses mots à elle, par son regard multiplié, ne savait plus. Impératifs infinitifs accumulés autour de lui, en rangs serrés. Curieusement, il se sentait au chaud au milieu d’eux. Et cette voix, imaginée, si vraie pourtant.

Quoi d’autre ? Question lancinante, martelée, répétée. Sans réponse toutefois. Par la fenêtre, une girafe qui passe, à décoder probablement. Faire une pause. Penser à elle. Comprendre enfin les signes verts hors-catégorie.

Il commençait à croire qu’elle était partout, omnisciente et polymorphe. Comme un esprit bienveillant et attentif qui demanderait de ses nouvelles malgré son mutisme. « Elle va finir par prendre toute la place, cet appartement rétrécit ! » se disait-il. Toujours suivre les petits carrés. Encore… L’angoisse montait, petit à petit, de savoir si il y avait un suivant. Mots essentiels, indispensables soudain. Jusqu’au dernier, une main, précieuse, en arrière plan. Alors il comprit.

Il avait suivi le chemin, jusqu’à la chute, point suspendu "je suis ton père il a dit, l’autre". Trois petits M en filigrane.

Sylvain Esposito

qui prend ma place comme je prends la sienne ce jour

Les autres participants à ce vase communicant du mois sont visibles et visitables depuis ICI, grâce à Brigitte Célérier.”

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