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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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Christophe Sanchez, dans Le vieil homme rêve (#vaseco de mars 2012)

mardi 6 mars 2012, par C Jeanney

Ce jour, échange avec Christophe Sanchez du blog fut-il.net, un échange qui fait sens, chacun étant allé chercher un peu plus profond, au fond de nos convictions, au fond de notre rapport au texte, aux textes.

Pour chacun de nous deux, sûrement la découverte (re-découverte) du Vieil Homme et la mer d’Ernest Hemingway, dans la traduction neuve de François Bon, et malgré les obstacles, c’est ce qui reste, c’est ce qui compte vraiment.

Nous avons tous les deux choisi un extrait (ci-dessous en italique) et l’avons prolongé.

Le vieil homme rêve, par Christophe Sanchez, voici :

[…] Il s’endormit très vite, et rêva d’Afrique, quand il n’était qu’un garçon, avec les longues plages dorées et celles de sable très blanc, si blanc que l’œil en faisait mal, et les falaises des caps et au fond les hautes montagnes sombres. Il revenait se promener sur ces côtes toutes les nuits désormais, et dans ses rêves il entendait le grondement des vagues et voyait les bateaux indigènes les traverser. Il sentait le bitume et l’étoupe du pont quand il dormait, et il sentait cette odeur de l’Afrique que la brise de terre apporte au matin.
D’habitude, quand il sentait cette brise de terre il se réveillait, s’habillait et partait réveiller le garçon. Mais cette nuit la brise de terre vint très tôt, il sut dans son rêve qu’il était trop tôt, et continua à rêver […] emmitouflé dans cet air chaud qui lui caressait le visage. Ce qu’il rêvait, il le rêvait désormais pour le garçon, afin que lui aussi puisse rêver un jour, pour qu’il voie sous paupières l’étendue extraordinaire de ces paysages.
Et dans la profondeur de son rêve à grandes lames transparentes, lui revint la quiétude des nombreux voyages qu’il faisait garçon sur les rives de son Afrique, l’imaginaire en pointe et le cœur soulagé de voir en ces territoires la légèreté de la vie vaincre l‘adversité des terres pauvres.
Son sommeil lui laissait le répit de sentir, d’approcher les choses comme il le souhaitait, avec la sérénité voulue, son vieil âge en fidèle étendard au service de ses expériences oniriques. Tout s’enchainait à merveille jusque dans le regard du garçon qui l’avait rejoint dans son rêve et auquel, tous deux assis sur le pont, il racontait la majesté des bateaux, la touffeur des nuits claires et la brise de terre en réveil qui flattait ses narines. Il rêvait paisible laissant venir à lui une multitude d’images rassurantes : des voiles gonflées des bateaux indigènes à la mer dans sa solitude chargée du peuple de là-bas qui, malgré l’indigence, donnait à l’humanité sa liberté, la véritable liberté qui lui manquait tant ici.
C’est de cela, rêvait-il, dans un sommeil troublé du bonheur de transmettre, c’est de cela qu’il fallait parler au garçon lorsque le rêve le laisserait se réveiller à une heure plus convenable, à l’heure où il le retrouverait plein d’une innocence qu’il faudra couvrir de rêves.


Christophe Sanchez

qui prend ma place comme je prends la sienne ce jour

Les autres participants à ce vase communicant du mois sont visibles et visitables depuis ICI, grâce à Brigitte Célérier.”

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