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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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paysage fer

jeudi 1er novembre 2012, par C Jeanney

Liminaire-Marelle-Atelier d’écriture-Pierre Ménard

Tu es bien attaché ? J’ai dit ça, menton levé vers le rétroviseur, je ne vois que le haut de ses cheveux, il doit avoir les yeux sérieux, concentré, il répond oui et je suppose qu’il tourne les pages de son album de dinosaures ou qu’il cherche de la buée (il n’y en a pas) sur la vitre pour y tracer des chemins. Clignotant à droite au bout de la rue. Les deux chiens noirs vautrés au milieu des palettes de bois derrière le grillage électrifié –un petit écriteau avec un éclair, juste à la hauteur du ventre du deuxième chien, comme un numéro sous un portrait de détenu. Clignotant à droite, céder la priorité, un camion aux roues géantes, je tourne. Des femmes, des poussettes, la maison au dalmatien qui est à vendre, le dalmatien n’est plus là, des enfants, des femmes, le cabinet médical, la ferme rénovée avec son cadran solaire, pas de soleil, un garçon seul, la maison aux potirons qui est à vendre, les potirons plus gros qu’hier sûrement, enfin ce serait normal.

Je me gare devant la grille aux dauphins. Il est content, il crie Oh, les dauphins ! Des femmes, des poussettes, des enfants, une fillette qui pleure. Mon fils ne pleure pas. Pas encore. Nous marchons jusqu’aux escaliers encombrés de sueur et de gens qui se hèlent, je dis pardon en me faufilant, je serre bien sa main, je le colle contre moi, gauche, droite, en slalomant. Peut-être qu’il aurait voulu que ça dure toujours, l’album, les dinosaures, la maison du dalmatien, l’album encore, les deux chiens noirs affalés, clignoter, refaire le trajet, toujours céder la priorité, attendre la buée au chaud à l’arrière, rouler encore, ou peut-être que c’est moi brisée à l’idée de le jeter seul au milieu du monde.

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