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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[Oblique (textes /premier jet)]

oblique, ça pourrait être un verbe

vendredi 25 octobre 2013, par C Jeanney

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oblique, ça pourrait être un verbe, et l’oblique une barre de métal usagée, un lampadaire descellé, un bouleau incliné, forcé à la tangente, contraint de prendre la tangente et, en volutes, on atteint un endroit secret, c’est que tout peut se ramasser en cet endroit, il est bien sombre, il est bien clair, il est moiré et cotonneux, il est tressé de mille bras lancés plus loin que leur circonférence, il est bien sombre mon capitaine, mais il faut être raisonnable, la chronologie est un leurre, le moteur hoquète et reprend, un triangle de trois étoiles qui pensent à l’amie disparue, une marche, un petit couteau dans la poche, proposer ses services, calzolaio, au même moment il y a la silhouette d’un âne qu’une vieille tire par le licol, elle s’en va au marché, la volute s’explique, un âne comme dans les Fables de Lafontaine qui restaient incompréhensibles même en les apprenant par coeur, un âne, ce que je ne savais pas en chantant de ci de là pour rire avec l’amie, la vieille c’est la mère de celle qui est restée dans les montagnes, il y a encore là-bas, de ci de là, des habitations troglodytes qu’on fait visiter aux écoles, les murs à peine blanchis que les mains des enfants caressent distraitement, depuis le bas on ne voit que quelques bouches entre les plaques de rochers grises, accueillantes, inquiétantes, qui servaient aux contrebandiers, la vieille s’en va avec son âne vendre au marché ce qu’elle a fait pousser, comme dans une fable, pas grand chose qui pousse là-bas, pas grand choses dans ses paniers, il faut descendre, monter, passer Colfelice, Fontana Liri, il y a le jour de la fête de Saint Eleuthère, une procession, le mont posé comme un mamelon avec ses maisons étagées, des rues pavées et minces, pas de quoi écarter les bras, des murs rouges avec ces marbrures jaunes qu’on dirait faites exprès pour créer des miracles, merveilles, des pierres blanches ; des pierres, il y en a une qui est étrange, à l’écart, au milieu des rochers, elle est souvent à l’ombre et n’est pas aussi dure que les autres, la pluie l’a ravinée et érodée par endroits, ça lui fait comme une paupière ouverte et des moustaches tombantes, comme une moitié de visage d’homme mangé de poils et de pluie dévoreuse, le nez busqué et il lui manque un oeil, l’autre est vide ou levé vers le ciel sans pupille, Saint Eleuthère peut-être (il n’y a pas de peut-être) on lui chante une chanson quand on passe, une façon de la saluer, on lui apporte du pain, un fruit, on se signe, on lui parle, on lui demande une protection pour soi les siens, une malédiction pour l’ennemi, et les enfants détalent quand il fait sombre, bien sombre, il fait bien sombre mon capitaine, et ils rient de courir très vite et de pouvoir lui échapper, il a couru enfant avant de traverser les Alpes, et la vieille demande à la pierre de veiller sur son fils en tirant par la corde l’âne, la pierre se nomme l’œil du Cyclope et quelqu’un l’a sculptée « la pluie le vent n’ont rien à voir là-dedans, tu décaroches, tu fictionnes, tu veux contrer l’oblique », peut-être, « il n’y a pas de peut-être » dit la voix à côté de moi, alors je ne sais pas ; une autre pierre plus bas garde sur son visage l’étonnement - toujours et constamment sans cesse la bouche ouverte -
cette visée incroyable que la volute dévoile, la trouée dans l’obscur, le brouillard déchiré, la volute travaille, travaille petites mains s’activent pratiquement malgré soi


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