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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[de bord]

50 nuances de placarDeux

mardi 16 avril 2013, par C Jeanney


explications [1]


... et le placard s’ouvre, s’ouvre, s’ouvre ! je ne sais combien de fois. Une multitude de mains, huit, douze, seize ! je ne peux pas dire, en écartent les portes qui coulissent, coulissent sur des dizaines et des dizaines de centimètres, plusieurs dizaines ! enfin une sacrée distance, et oh ! toutes ces étagères, mais combien ? qui se multiplient jusqu’aux genoux, jusqu’à hauteur des yeux, jusqu’au plafond !


...ouvrez le placard. Séparez les portes blanches des portes jaunes (réservez). Sur une étagère rectangulaire, disposez en couches successives les boîtes, cartons, pelotes de laines et cartes postales obsolètes. Refermez hermétiquement. Laissez reposer plusieurs mois (température ambiante)


... c’était ainsi... quoi faire ? les portes allaient s’ouvrir, se refermer, s’ouvrir, se refermer encore, il n’y avait pas d’autre alternative que ce mouvement de va-et-vient absurde, cette répétition du glissement sur les rails torves, cette invisible usure du lendemain toujours le même... l’homme ne pouvait qu’attendre, face à cette ouverture condamnée à la fermeture avant même que bouge la porte, éternellement


... les portes du
placard d’entrée
bientôt vont se
refermer - é é
et c’est là
que je finirai d’ranger
comme d’autres mains ont - on
rangé
(sur l’air du Pénitencier)


... à la quinzième minute, très belle action de la porte de gauche, un geste d’une grande technicité qui permet au placard, une fois de plus, de dominer ses adversaires, mais l’étagère du haut, oui, c’est bien elle, entre sur le terrain, une passe, l’étagère du bas réceptionne, tacle la pièce de puzzle, oh c’est un geste un peu viril mais l’arbitre fait signe de continuer à jouer, l’étagère du centre, elle en première ligne, oui, redistribue vers l’extérieur, beau collectif, oui et C’EST LE TIR !


C’est ainsi que les portes s’ouvrent, et elles coulissent,
Myriades de cartons dévoilés, Ô jolies lampes,
Clés à molettes dépareillées, pelotes, estampes,
Présentées là généreusement, sans artifice


... les difficultés à définir le placard sont de nature épistémologique, car il est difficile de délimiter rigoureusement méthodes de glissement, thèmes de poignées et de rails et objets variés mis à contribution. Historiquement, il a pu en effet s’inspirer d’autres système de rangement (depuis le renfoncement de grotte néolithique, jusqu’aux planches médiévales superposées). Pourtant, il n’a jamais réussi à développer une méthode ou un ensemble de méthodes qui auraient réussi à s’imposer parmi les systèmes d’appropriation du monde. Comme le disait Aristote "Le commencement de toutes les étagères, c’est l’étonnement de ce que les choses sont ce qu’elles sont"


... au moment même où je passe dans l’entrée, je remarque, collées contre le mur, deux parois qui semblent différentes. Leur texture, leur couleur m’interpellent. J’ose poser la main sur l’une d’elles : elle vibre. Je réalise que c’est la force imprimée par ma paume qui l’a fait trembler légèrement. Je pousse davantage cette surface lisse, puis de plus en plus fort... il ne se passe rien, à peine un craquement. C’est une énigme. Dépitée et songeuse, je lui tourne le dos pour m’asseoir contre. À ma grande surprise, le pan entier glisse sur le côté et me déséquilibre


...Prix Dentrée en 2011 avec Les étagères se suivent et parfois se ressemblent, Robert le Placard est un des mobiliers les plus vus dans le monde, et est traduit dans plus de 40 pays. Controversé pour sa vision cynique de la société occidentale, où les lampes torches souffrent de piles épuisées et non rechargeables, et où les pièces de puzzle cherchent vainement à reconstruire une image défaite, Robert le Placard est aussi penderie, armoire, commode et hétéroclite


... ah le degré zéro de la réflexion là tu vois. Pas de surprise, tu fais coulisser, et c’est toujours le même, derrière. Et moi j’aime ça le changement tu sais ?


[1j’ai pensé "un jour j’écrirai 50 nuances de gris, gris clair, gris foncé, gris grège beige mordoré, gris électrique, gris caramel, etc." et ensuite j’ai refermé la porte coulissante du placard de l’entrée, et c’était comme si j’entrevoyais 50 manières de le faire et 50 contenants de placard différents, et donc en voilà 10 sur les 50 (il y en a 10 là aussi), à vous de deviner quelle est la nuance (nostalgique, perturbée, fatiguée..) et c’est (peut-être) à suivre...

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