TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

ABC | PMG

J comme justicier

lundi 1er janvier 2024, par C Jeanney

ABC | PMG
accompagne
Lotus Seven


1996.
PMG apparaît dans The Phantom (en français « Le Fantôme du Bengale »).
Il joue le père du rôle titre, ce « justicier masqué qui veille à la tranquillité du monde », tiré d’un personnage de bande dessinée.

« Dans la jungle du Bengala, un pays fictif situé en Afrique, existe le mythe de "l’Ombre qui marche", "l’Homme qui ne peut pas mourir", le Fantôme.
Parce qu’il semble être vu par plusieurs générations, les gens dans le monde entier croient qu’il est immortel.
En réalité, le Fantôme descend de vingt générations précédentes de justiciers qui ont tous pris la même identité
. »

C’est-à-dire qu’en jouant le rôle du père du Fantôme justicier, PMG joue lui-même le rôle du justicier, sauf que nous arrivons trop tard pour admirer ses exploits qui resteront invisibles, comme le documentaire aux cintres qui s’effacent sur la plage.

Je n’ai pas vu PMG dans le rôle de ce justicier-là.
Mais à six ans, quand il voulait partir.
Quand il disait Tout ça ne me va pas.
Quand il sautait, criait et rugissait pour être ailleurs, ailleurs, un jour.
Quand il clamait qu’il était impossible de vivre sans justice.
De vivre sans pouvoir faire confiance à un autre, rien qu’un. Je n’ai pas d’amis, d’amies, je ne joue avec personne. Je ne suis pas allée en maternelle, aussi je ne connais pas les autres. Elles m’appellent toutes la nouvelle. C’est une école de filles. Elles m’appelleront la nouvelle jusqu’à l’entrée au collège. Les adultes me regardent avec suspicion, je ne dois pas être très dégourdie puisque je n’ai jamais été scolarisée. Au-dessus des portemanteaux il y a des personnages de Babar, je ne les connais pas. On m’achète Pif Gadjet. Toutes assises bras croisés, tabliers, encrier, j’arrive, j’imite les autres. Avec les bras, nous devons indiquer les quatre points cardinaux, nord, sud, est, ouest. J’essaye d’imiter à vue, mais je ne comprends rien à cette chorégraphie. Chez nous, pour se déplacer, on ne sort jamais la boussole, mon père préfère les cartes routières. L’adulte fonce vers ma table, me sort de ma chaise, me tire derrière elle sur l’estrade, me fait pivoter brusquement face aux autres et dirige mes bras avec force pour qu’ils fassent comme il faut, nord sud est ouest, rythmant ses gestes et sa voix avec des coups de genoux dans mon dos. Puis elle me fait rasseoir avec sur son visage l’air d’un Je t’ai à l’oeil. Be seing you.
Je sais lire. Je m’ennuie. C’est long d’entendre ânonner. Je ne lis jamais à voix haute, l’adulte pense que dans mon cas ça ne sert à rien. C’est long d’attendre. C’est long l’attente à attendre. Je pense à autre chose. Je suis tête de linotte, curieuse comme une chèvre, souillon comme un cochon, mais le mieux c’est quand je suis paresseuse, pas comme une couleuvre mais comme Béatrice Ham, et nous nous regardons toutes les deux avec une sorte de compassion mutuelle discrète. Si elle se fait gronder, elle est paresseuse comme moi, c’est mon nom qu’on donne en exemple. Ça ne m’arrive pas souvent de regarder et d’être regardée ailleurs qu’à la maison sans rudesse.
Le soir je suis en retenue pour faire des lignes de S, des lignes de n, des lignes de chiffres sur le cahier. Tout ce temps, j’ai fait bonne figure. Je ne savais pas qu’on pouvait s’évader. Ou plutôt si, on pouvait par les livres. Mais je n’ai jamais identifié l’apprentissage de la lecture avec l’école. J’ai appris à lire seule. On peut apprendre seul. Pas seul en tant qu’humain, on apprend toujours grâce aux autres, mais on peut apprendre seul sans aller à l’armée. Sans le deux par deux, le rang, le dos droit et les ardoises levées au signal. Je n’aime pas le signal. Le coup de baguette qui force au geste. Je n’aime pas le cirque. Le doigt levé pour que le chien saute dans le cerceau. Je n’aime pas le chaque chose à sa place, car je ne sais pas quelle est la place des choses et je ne sais pas si c’est très bon de donner une place aux choses, de les réduire au plus petit endroit punaisé, de les empêcher d’être grandes, d’empêcher les grandes choses, je ne sais pas si ce n’est pas restrictif mortifère désespérant médiocre à pleurer de mettre chaque chose à sa place, à sa terrible place, quand rien dans l’univers ne reste collé à la sienne, que nous tournons à la vitesse de quatre cent soixante-cinq mètres par seconde, soufflés par des masses d’air qui survolent le Sahara ou la Terre Adélie sans s’arrêter, et que les incendies que nous allumons ou les coulées de boue qui nous emportent ne sont pas bloqués par un poste-frontière bien rangé à sa place, bien respectueux de l’ordre, rangé en ordre, je n’aime pas les forces de l’ordre.

Il s’agirait de ne pas chercher bien loin pour comprendre pourquoi PMG me parle directement.
Les origines prolos + la violence sociale suffisent pour créer une sorte de complicité, comme quand Béatrice Ham et moi on se regardait, mise dans le même bain et grondées avec l’autre, en binôme.
Dans Le Prisonnier de PMG il y a celui de la ferme à poulets, celui que l’injustice et l’injustifié exaspèrent. Je parle, je suis petite, je parle sans me rendre compte, ce que je dis fait rire, on commente entre soi "Elle veut toujours défendre la veuve et l’orphelin", je ne comprends pas, je ne le fais pas exprès. À un moment on se dit qu’on est né comme ça. Tout le monde a de bonnes raisons d’agir comme il agit. Tout le monde a ses verbes d’action à actionner, avec logique. Son île, ses départs, de quoi tourner en rond et mâcher le réel en cherchant le moyen de répondre aux questions, toutes.

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