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« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

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[point pressant]

les arbres rouges

dimanche 13 janvier 2019, par C Jeanney


"Vous ne voyez plus rien ? dit Tsilla l’enfant blond , la fille de ses Fils."
Ce qui se voit ne peut être dit que par d’autres
Ne peut être que délégué 
Comme sur la vitre de l’immeuble la tour qui se reflète aussi vraie que la vraie aussi massive que la vraie aussi élancée que la vraie aussi vraie que les regards de ceux qui précédèrent
les fils et les filles de
les reflets
C’est une forme très traditionnelle une simple conversation je ne sais pas si ça aide au repérage une forme comme une autre 
J’y suis allée deux fois déjà j’y retourne encore aujourd’hui j’y retourne tous les jours sans rien savoir
ni savoir ce que je vois ni savoir ce que je cherche
une forme dans les fils
Le mot "fil" à l’écrit et au pluriel c’est comme le mot enfant le mot "fils" On ne peut pas les différencier en les voyant il faut l’oreille pour ça
Chercher des formes dans les fils cousus Fil au pluriel Et dans les fils assemblés Les enfants des pères et des pères brodés
Chercher aussi de quoi donner forme à ce qui semble vide
Les silences peuplés On devrait ajouter les guillemets Les "silences peuplés" Les guillemets c’est tout un travail
Comme quand Marguerite D dit "au moment du bac   au moment où j’étais sur le bac" avec un long silence au milieu
Un silence peuplé Qui n’est pas silencieux
Pour le repérage je ne sais pas
Je n’ai pas envie d’emmener en tout cas ce n’est pas l’idée emmener c’est aussi être maître je ne suis pas maître 
et puis ce n’est pas un divertissement / / un coup de manche uniquement là pour qu’on le voie et qu’il puisse masquer ce que fait l’autre de l’autre main il sort de son chapeau de magicien non je réfère une magie plus réaliste une qui n’emmène pas une qui freine peut-être
car
quand tu aimes ce que tu vois tu ralentis
Décider de gommer les virgules Pour placer ce temps de respire où on veut Sans se soucier de contrôler sa propre respiration Pas de points Il n’y a qu’un seul grand point Final et qu’on sait pas où est la fin Ça se tient
On aura remarqué qu’elle ne dit pas "voyez-vous encore quelque chose ?" la petite fille de La Conscience Elle dit "vous ne voyez plus rien ?" On dirait qu’elle a peur et qu’elle espère ce rien les deux en même temps que ce rien ce n’est pas rien mais quelque chose
Peut-être un rien plus acceptable plus vivable / / espérer voir et ne pas voir / / en rendre compte C’est à elle qu’on délègue ce travail Celle qui regarde la vitre de l’immeuble 
On ne sais pas si elle voit vraiment
Elle dit : j’entends le plus souvent
Deux claquements très rapprochés et les têtes se lèvent 
ou des cris ? Des cris mêlés La foule s’acharne quelqu’un d’abord veut se défendre puis perdant pied recule et la foule se retourne contre lui et le course
Du rouge il y a des arbres rouges sur la photo satellite 
On les a laissés rouges pourquoi les a-t-on laissés rouges 
Tsilla est peut-être aveugle
Cela explique
Beaucoup de plaques grises sur cette photo Des copeaux des graviers énormément on les a laissés rouges pour dire ce gris peut-être Ou parce que justement on ne sait pas le dire Les enfants rentrent de l’école il n’y a pas de porte / / sur la page à côté la femme en rouge marche c’est très impressionnant comme si elle marchait à travers nous Nous serions tous habillés de noir La femme en rouge marche s’expose et le faisant elle nous fait ressentir le noir Elle parle on dirait qu’elle parle toute seule mais c’est qu’elle porte un kit mains-libres 
Les arbres rouges – je reprends la première photo – pourquoi les a-t-on colorés de rouge ce n’est pas la chaleur puisque sur cette image il n’y a pas encore eu les flammes Ni de dislocation Les enfants rentrent de l’école mais la porte est fermée Ils dorment dans les escaliers L’enfer est en ce moment sur terre me dit une petite voix "En ce moment" est une durée sans durée ajoute cette voix Il va falloir la mettre en forme
pendant que pendant que Ça continue dehors ça n’arrête pas
Le "Point pressant" est un lieu qui oblige
au milieu du silence alourdi des animaux
l’humain et son ego à protéger
Des fictions et des mythes nous font tourner danser crier mourir
Toutes les fictions sont vraies une fois tombées dans le réel on ne peut plus les faire partir On fait tourner une roue On gagne Le rêve prend une vitesse supérieure On gratte On nettoie On ferme hermétiquement les boîtes fictionnelles mais elles s’échappent se contaminent et c’est comme en chimie lorsqu’elles entrent en contact parfois certaines explosent On s’aime heureusement Heureusement qu’on s’aime Et le nez rouge du clown ? Tu en fais quoi ? demanda-t-elle venue du fin fond de mon rêve cette nuit
Elle avait les joues très rebondies et recouvertes d’un duvet blond
Aussi des yeux perçants
Rieurs
Perçants Rieurs C’est la même chose
Heureusement qu’on S’aime et qu’on ne craint pas de mettre les majuscules n’importe où Quelle crainte Où ça ? C’est ce qu’elle a dit Je m’en souviens au réveil très clairement Comme si une bille très dense très lourde très transparente et très peuplée avait pu me rejoindre – de loin

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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Messages

  • "Décider de gommer les virgules Pour placer ce temps de respire où on veut " et demander à trois personnes différentes de lire

    (petit sourire en passant, en suivant le sens et ses méandres - suis petit crâne un peu boudeur là et je prends des chemins de traverse pour mieux revenir ensuite, mais le chemin de traverse reste)

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