TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - couic

vendredi 1er août 2025, par c jeanney

Que faire pendant que le papier est sous presse : je suis allée marcher, j’ai mieux examiné le mur délivré de l’échafaudage. Jusqu’à hauteur humaine il est intact, c’est-à-dire que, malgré l’opération de ravalement, on a laissé les impacts de balles, tout comme plus loin on ne touche pas aux graffitis au moins centenaires, on vit sur des sédiments. Je me souviens d’un album pour enfant qui montrait la ville et son sous-sol par un plan de coupe évoluer à travers le temps. Certains détails, morceaux de structures, ornements, poteries ou déchets, se retrouvaient sous terre à la page suivante, et à la suivante encore plus, enterrés par les activités nouvelles et ainsi de suite, avec tout au fond des ossements, mais il manquait les champignons qui font comme un filet protecteur sous les acrobaties des trapézistes. J’attends que le papier sèche sous presse, ma presse étant constituée de plusieurs volumes du Panorama de la guerre. J’aime beaucoup que les dimensions de cette encyclopédie débordent du format a4, c’est bien sécurisant. Et j’aime beaucoup le titre, "de LA guerre", comme s’il n’y en avait qu’une, qu’est-ce qu’on est optimistes. L’intrication entre tout et tout est optimale. Il n’y a pas un gramme de quelque chose qui ne vienne pas d’autres choses et nous jouons à les toucher, les assembler, les déplacer, comme des enfants avec les touches d’un piano. J’apprends grâce à arte qu’oppenheimer a étranglé un de ses collègues "par désarroi". C’est fou ce que le désarroi pousse à faire, comme la mouche tsétsé pousse à dormir. Heureusement pour moi, je n’ai jamais été piquée par le désarroi au point d’étrangler quelqu’un. C’est fou comme l’échafaudage du cerveau se démène pour donner du sens aux étranglements. Avant que passe le camion-poubelles j’ai pu récupérer une cagette. Avec une de ses baguettes de contrefort en bois bien tendre, je vais tenter de me fabriquer un plioir (tracer ses contours, tailler, polir au papier de verre, l’étanchéifier au vernis, ou mieux, à la colle à bois qui reste ma meilleure amie de l’été). Ce soir j’aurai sans doute fini le prototype 3 de mon livre-Vagues. J’ai l’impression à chaque fois de progresser et si j’étais logique je ne ferais que des prototypes jusqu’à la butée finale du "je ne peux pas mieux", prototype 15, prototype 212, etc. Ou bien des prototypes de "autrement", et ça n’aurait pas de fin. J’en resterais au stade du prototype jusqu’au bout, ce qui est basiquement ce que je fais si je regarde les choses en face. Nos prototypes de guerre s’enfoncent dans le sol, sans disparaître, jamais hors de portée, et c’est peut-être ça le problème.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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