block note - suit
mardi 26 août 2025, par

NT reprend, c’est-à-dire qu’il revient. C’est très mystérieux. Hier il était inconnu, inexistant. Je comprends l’analogie avec la naissance d’un enfant, hier rien, aujourd’hui quelque chose, ou avec la naissance d’une bogue sur l’arbre deux fois centenaire, ou avec la naissance d’un geste, ou d’un son, des touristes maintenant plus rares passent en discutant autour de l’arbre, ils n’étaient pas là hier, et demain ils seront ailleurs. Ou la naissance d’une pensée, d’un souvenir. Ma mère a toujours été entourée de montres et d’horloges, c’est son pouvoir spécial. J’ai toujours été entourée de mots, c’est ma caractéristique, et aussi de fantômes, celui de mon père dans son atelier, celui de VW qui marcha autour de l’arbre où j’écris ceci sur mon téléphone. Quand les mots ne sont pas là, je les remplace par des activités manuelles, si tout va bien. Quand je n’arrive pas à marcher, je me dis que je devrais me contenter de gestes, ils sont plus simples à mettre au jour. Je ne supporte plus la fiction. Les quatrièmes de couverture qui racontent tel ou tel personnage me semblent faibles et vides, comme des vêtements d’apparat, des façons de se tenir en société. Je n’écris pas pour être en société. Je marche si doucement qu’un pigeon ne s’écarte pas quand je m’approche, ce devrait être pareil avec écrire. Je ne sais pas ce que je fais la majeure partie du temps. Le pourquoi est si insaisissable. J’ai préparé une nouvelle couverture pour le livre-Vagues. Elle se trouve au moment où j’écris à environ quatre cents mètres de moi, et pourtant, sans la voir (elle est sous presse, elle sèche), j’ai un avis sur elle, je la trouve trop simple ou trop rugueuse. Je cherche à être étonnée, mais c’est idiot, tout est étonnant, les présences, les absences, les bruits de roues sur des graviers, le vent dans la travée redécouverte après travaux qui me semble rien qu’à moi, personnelle, intime. Peut-être que les mots peuvent servir à ancrer les choses pour de bon. J’écris depuis la bouche d’aération de mon enfance quand elle soufflait la nuit et que j’avais l’impression d’être une poussière dedans, emportée vers sa disparition. Je rentre et tout est intact, je ne suis pas pulvérisée. Rien ne me semble impossible ce matin. Je ne crois pas à un après. Hier, je suis rentrée dans une église par curiosité. L’homme qui avait brodé une chasuble, laissé son fil courir comme au hasard, est arrivé ici l’année de ma naissance. Je n’avais pas anticipé un christ noir aux yeux bleus et mes photos sont très mauvaises [1], sauf celle du ciel rond et celle de la lumière disparue la seconde suivante.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
[1] c’est très bizarre, je ne trouve pas d’informations en ligne sur ce christ noir aux yeux bleus, ni aucune photo de lui, comme s’il n’existait pas, peut-être que personne ne l’aime, qu’on le trouve incongru, à éviter, peut-être qu’il la joue discrète et qu’il ne sort du mur que lorsqu’il sent qu’il provoque la surprise, je vais y retourner, et je serai surprise deux fois pour obtenir une photo nette
Messages
1. block note - suit, 26 août, 20:29, par brigitte celerier
"Je marche si doucement qu’un pigeon ne s’écarte pas quand je m’approche," ce sont mes compaings de marche
détail... en marge du texte beau et de ta réflexion..
ce christ noir aux yeux bleus, la belle idée qu’a eu son auteur
1. block note - suit, 27 août, 08:22, par c jeanney
(le pire est que j’ai pris son nom en photo, parce qu’il y avait un vieil article de journal affiché avec trois punaises qui nommait le sculpteur, en tout cas j’ai cru prendre en photo son nom, mais la photo n’existe pas, mon téléphone n’a pas voulu la prendre, ou bien il veut que j’y retourne) (merci Brigitte :-)))
2. block note - suit, 27 août, 07:01, par PdB
je lis le block note le matin tôt quand tu écris le suivant - ça peut être inspirant - ou pas - écrire toujours écrire poster des photos (je poste tous les jours des photos du journal j’aime ça, je les retrouve je les faits défiler comme à la parade (aujourd’hui si je la retrouve il y en a une particulièrement salée (ou poivrée) de mohammed 6 le fils à hassan 2 commandeur des croyants etc.) - je me disais ce matin "encore écrire mais pourquoi ? pourquoi faire cette souffrance ? " je ne sais pas mais je continue ("je ne sais pas" n’est pas une réponse - un peu comme un de mes oncles qui disait quand il négociait les travaux de sa maison avec des artisans pour leur faire baisser leurs prix qu’il trouvait exorbitants "non ce n’est pas une réponse" - comme il était aussi ingénieur ponts et chaussées et qu’il travaillait dans le monde entier, il était aussi, par profession, l’un des meilleurs négociateurs de la boite - "le bakchich mais bien sûr toujours et depuis toujours et partout..." me disait-il)
1. block note - suit, 27 août, 08:24, par c jeanney
("je ne sais pas " est la bonne réponse) (par contre elle ne donne pas la solution, parce que la question est trop lourde ou trop large peut-être et qu’elle n’a pas assez de bras) (merci Piero :-)))