TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

JOURNAL DE TRADUCTION DES VAGUES #WOOLF

journal de bord des Vagues -117 ["Le taxi arrive"]

mardi 26 septembre 2023, par C Jeanney

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(journal de bord de ma traduction de
The Waves de V Woolf)

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(ils vont se séparer, c’est en route)

 le passage original

What is to come is in it,’ said Bernard. ’That is the last drop and the brightest that we let fall like some supernal quicksilver into the swelling and splendid moment created by us from Percival. What is to come ? I ask, brushing the crumbs from my waistcoat, what is outside ? We have proved, sitting eating, sitting talking, that we can add to the treasury of moments. We are not slaves bound to suffer incessantly unrecorded petty blows on our bent backs. We are not sheep either, following a master. We are creators. We too have made something that will join the innumerable congregations of past time. We too, as we put on our hats and push open the door, stride not into chaos, but into a world that our own force can subjugate and make part of the illumined and everlasting road.
’Look, Percival, while they fetch the taxi, at the prospect which you are so soon to lose. The street is hard and burnished with the churning of innumerable wheels. The yellow canopy of our tremendous energy hangs like a burning cloth above our heads. Theatres, music halls and lamps in private houses make that light.’
’Peaked clouds,’ said Rhoda, ’voyage over a sky dark like polished whale-bone.’
’Now the agony begins ; now the horror has seized me with its fangs,’ said Neville. ’Now the cab comes ; now Percival goes. What can we do to keep him ? How bridge the distance between us ? How fan the fire so that it blazes for ever ? How signal to all time to come that we, who stand in the street, in the lamplight, loved Percival ? Now Percival is gone.’



c’est un passage très difficile
(comme tous) (tell me something new dirait l’autre)
car il se situe en acmé
juste avant un nouvel intermède où le soleil continue sa course (il va atteindre le zénith)
donc la fin d’une époque

très difficile That is the last drop and the brightest that we let fall like some supernal quicksilver into the swelling and splendid moment created by us from Percival
il faut garder l’idée que ce sont eux qui laisse tomber cette goutte, qui acceptent que cette goutte tombe, elle est dans l’ordre des choses, l’inévitable
il faut faire en sorte qu’apparaisse ce moment en expansion
c’est-à-dire que tout est description de mouvements
et en français, si on doit décrire toutes ces choses en train de bouger arrivent des verbes suivis de "qui" et de "que" en pagaille, et s’il y a une chose à faire c’est bien de tenter que cette phrase ne soit pas plombée
dans ces cas-là on a toujours l’idée d’élaguer, d’enlever un adjectif là, de faire disparaître un sujet pour resserrer la formulation
manque de chance avec VW et dans cette phrase-là, on ne peut rien enlever
le plus difficile étant pour moi la fin de la phrase
le moment est comme une lumière que Percival diffuse, le moment nait de lui, les autres créent ce moment parce qu’il est là et fait source

autre phrase très difficile pour moi
into a world that our own force can subjugate and make part of the illumined and everlasting road
parce que les deux verbes, soumettre et faire corps, ne sont pas des amis, mais pratiquement des opposés
et parce que sujet et objet sont des concepts, force et chemin

au final, malgré la difficulté que j’ai eu à tenter tant de possibles agencements
malgré le temps passé à trifouiller dans les vis et boulons de ce texte, la tête plongée dans le moteur (métaphore garagistique)
ce qui me reste de ce passage c’est une émotion, une émotion terrible

(en confidence : je lis très mal l’anglais à voix haute
je lis chaque passage à vox haute avant de le traduire
j’ai lu très mal, vraiment très très mal ce passage, mon accent était pitoyable
et malgré tout, ce texte massacré par moi à l’oral
je l’ai trouvé incroyablement fort
émouvant, terriblement)


 ma proposition

« Il contient l’avenir, dit Bernard. C’en est la dernière goutte, la plus brillante, nous la laissons tomber en sorte de vif-argent souverain dans ce moment qui enfle, splendide, créé par nous, par et depuis Percival. Que va-t-il arriver ? Je me demande, tout en brossant les miettes sur mon gilet, qu’est-ce qu’il y a dehors ? Nous avons su prouver, assis ici, tout en mangeant et en parlant, que nous savions ajouter au trésor des instants. Nous ne sommes pas des esclaves, voués à subir sans cesse un nombre incalculable de coups bas, le dos courbé. Nous ne sommes pas non plus des moutons derrière leur maître. Nous sommes des créateurs. Nous aussi, nous avons su faire quelque chose qui rejoindra les cohortes innombrables des temps passés. Nous aussi, une fois nos chapeaux mis et la porte poussée, nous sortirons, non pas dans le chaos, mais dans un monde que notre force saura subjuguer, prenant part à cette voie lumineuse, infinie.
Regarde, Percival, pendant qu’ils vont te chercher un taxi, tout ce décor autour de toi que tu vas bientôt perdre. La rue est dure, polie par le laminage de roues qui ne s’arrêtent jamais. L’arche jaune de notre énergie folle flotte au-dessus de nos têtes comme une étoffe en flammes. Les théâtres, les music-halls, les lampes dans les maisons fabriquent cette lumière. »
« Les nuages dentelés, dit Rhoda, voyagent dans le ciel sombre, lustrés comme les os d’une baleine. »
« Maintenant, commence la torture ; l’horreur m’attrape entre ses crocs, dit Neville. Le taxi arrive ; Percival s’en va. Que pouvons-nous faire pour le garder ? Comment combler la distance entre nous ? Comment nourrir le feu pour qu’il puisse flamber pour toujours ? Et comment faire savoir aux temps futurs que nous, ici dans cette rue, debout sous ce réverbère, nous avons aimé Percival ? Percival est parti. »

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( work in progress )

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</

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