TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

W5 (5textes5images5jours) (actuellement en dormance)

W5 . 8 *les vampires

lundi 10 juillet 2023, par C Jeanney


Un. Je regarde un entretien vidéo, c’est foisonnant. L’artiste qui parle face caméra, qui raconte son parcours, cite des noms (groupes, autres artistes) et chaque piste, chaque ouverture vers ailleurs m’intéresse. À chaque fois qu’un nom que ne ne connais pas arrive, je fais pause et, dans un nouvel onglet, j’ouvre des recherches, mais la prononciation de l’artiste que j’écoute avec passion est incertaine, aussi lorsque j’entre ce que je crois être le nom entendu dans la grande banque de données du web, même accompagné d’un mot clé ou d’une date, je tombe sur rien. C’est une performance.
UnDeux. Ces noms inexistants, résumés par quelques adjectifs, deviennent des idées, flottantes, mais malgré tout corporelles, parce qu’il y a des tonnes d’anecdotes à raconter à leur propos. Ils n’existent pas, mais ils ont dit et fait. Ce ne sont que des hommes, jamais des femmes, ce qui ancre cet aperçu d’un monde hors champ dans un réalisme tangible et identique au monde visible.
UnDeuxTrois. De liens inexistants en liens impossibles, je tombe sur l’existence d’un colloque fondateur, important, daté et situé géographiquement, utilisé comme point de repère : deux personnes se rencontrent dans une gare. Un événement (même ténu), une borne, un point d’ancrage (même si confidentiel). Il prend corps car quelqu’un en parle. C’est le principe de l’existence. Les licornes existent parce qu’on en parle. Les empereurs mayas n’existent pas quand on oublie leurs noms. Le mot donne vie.
UnDeuxTroisQuatre. On pourrait nommer chaque goutte de pluie, chaque bourdonnement de bourdon dans les capucines, chaque plainte de mouettes et les cloches et les voix inaudibles venues de la rue (à la John Cage).
UnDeuxTroisQuatreCinq. J’écoute (sans l’avoir désiré) parler un autre artiste. Celui-là fait partie du groupe, informel mais tenace qu’on nomme "créer avec le sang des autres". Comment ces gens trouvent-ils le temps d’être vampire ? On pourrait inventer, pour chaque œuvre déposée dans l’espace public, tableau, sculpture, musique, film, livre, la mention "réalisée par un artiste qui délègue à autrui les tâches de nettoyage de chiottes, d’éviers et de douches". La question du temps, de la place qu’on occupe et comment, ne me déçoit jamais.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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